Villes ludiques : un modèle et une boîte à outils
Urbanistes et autres concepteurs d’espaces publics possèdent un rôle important sur le temps, le lieu et la manière dont jouent les enfants. Pourtant, ces dernières années, avec notamment l’émergence de nouvelles sources vidéo-ludiques, les activités de plein air tendent à diminuer. Pour des raisons évidentes de santé et de développement, il semble indispensable de continuer à stimuler ces escapades. Encore faut-il que l’espace public soit correctement adapté aux pratiques ludiques.
Une nouvelle approche de la conception de ces espaces semble indispensable. (Nous évoquions d’ores et déjà quelques pistes à ce sujet en 2015) La tendance est, aujourd’hui, plutôt à l’ajout d’attributs sur des aires de jeux existantes ou au choix sur catalogues, de mobilier standardisé… Toutefois pour faire les bons choix, il semble important de se poser les bonnes questions. Gerben Helleman, Géographe et Urbaniste Hollandais, propose ainsi trois axes de réflexion :
- Pourquoi rendre la ville plus accessible et plus ludique pour les enfants ? Quel but ? (POURQUOI)
- Comment ludifier nos villes ? Quelles sont les conditions à mettre en oeuvre ? (COMMENT)
- Concrètement, quelle forme peut prendre cette ludification au profit des plus jeunes ? (QUOI)
Approche Intégrale
Le modèle ci-dessous réalisé par Gerben Helleman rappelle les trois niveaux de réflexion à prendre en compte de manière continue et collective. On retrouve dans le cercle central les objectifs (POURQUOI), dans le second cercle, les différents facteurs d’attractivité d’un espace public (COMMENT) et enfin le dernier cercle extérieur qui regroupe plusieurs exemples d’actions spécifiques à mettre en oeuvre (QUOI).
Pourquoi ?
L’espace public est un véritable laboratoire expérimental. En jouant dehors, l’enfant développe ses capacités d’apprentissage et son habilité à résoudre des problèmes. En explorant l’espace public, les compétences de l’enfant sont stimulées. Il observe et identifie de multiples objets, formes et couleurs. Il appréhende des expériences diverses comme la vitesse ou l’équilibre sur un vélo, une balançoire ou un toboggan.
Il interagit avec d’autres personnes en développant ses compétences linguistiques. L’espace public est finalement un fabuleux outil d’apprentissage qui aide les plus petits à construire leur propre identité. En jouant avec d’autres enfants, les plus petits apprennent à faire preuve d’empathie, à gérer l’échec et la déception. Courir ou faire du vélo dehors permet également aux enfants de prendre conscience de leur environnement. Cela contribue à enrichir leurs capacités de spatialisation, de navigation et leur permet d’expérimenter la ville.
Enfin, jouer dehors a également une influence positive sur la santé. L’activité physique régulière renforce l’endurance, les capacités physiques et réduit le risque de développer des maladies chroniques.
Comment ?
La Ville ludique adaptée aux plus petits ne se limite pas aux simples aires de jeux. Tout d’abord, car il existe de nombreux facteurs négatifs qui poussent à ne pas utiliser ces lieux standardisés. Tels que l’accessibilité, l’esthétique, le manque de diversité dans les fonctionnalités, les routes dangereuses pour s’y rendre… Mais également car tous les espaces publics de la Ville doivent devenir de véritables sources ludiques. (Cours, jardins, parcs, places, trottoirs etc.) Les enfants possèdent cette capacité à jouer partout en attribuant leur propre fonction ludique à chaque lieux qu’ils visitent. Toutefois quelques conditions préalables doivent être remplies.
Pour répondre à la question « Comment ? » il semble intéressant de porter une réflexion multiscalaire
Tout d’abord à l’échelle de la ville, le positionnement et la quantité d’espaces ludiques, adaptés aux plus jeunes, sont deux facteurs de réussite. Il faut effectivement prévoir suffisamment d’espaces et des espaces correctement localisés, accessibles, situés à proximité des grandes infrastructures et des équipements publics. Lorsque ces lieux de jeux sont trop distants, les enfants ne sont pas autorisés à s’y rendre par leur propres moyens. Leur rayon d’action est également influencé par la sécurité des cheminements, la fréquentation des rues et des espaces traversés…
Au niveau de l’espace public, celui-ci doit être attractif à la fois pour les parents et pour leurs enfants. Plusieurs facteurs entre ici en jeu, comme la propreté, la présence de mobilier urbain confortable, l’entretien ainsi que la richesse visuel des lieux. Les aménagements paysagers et ou aquatiques de qualité qui fournissent de l’ombre, de la fraîcheur et attirent la faune œuvrent en ce sens. (Arbres, pelouses, prairies, massifs, fleurs, fontaines etc.)
Outre ces besoins fondamentaux, un espace ludique devient populaire de part la diversité des jeux qu’il peut proposer. L’offre doit donc être adaptée à un large public, aux différentes tranche d’âges et à différents niveaux de compétences. L’espace ludique doit être stimulant, il doit encourager l’exploration et l’imagination. La fréquentation du lieu est également un facteur de réussite, il doit être ouvert et accessible.
Ces différentes conditions, si elles sont réunies, ont un impact positif sur l’utilisation des espaces publics. Il y a donc une plus grande diversité d’utilisateurs et une inertie se produit, les enfants attirent d’autres enfants, là où les enfants vont, les adultes suivent et l’inverse également…
Quoi ?
Gerben Helleman détaille une centaine de propositions, accompagnées par de nombreux exemples, que vous pouvez retrouver en intégralité sur son blog Urban Springtime.
La construction d’une ville ludique adaptée aux enfants passe bien évidemment par une approche urbaine de grande échelle. Afin de créer des lieux dynamiques et attractifs, il est important de travailler sur la compacité de nos Villes, les distances ayant effectivement un impact non négligeable sur la fréquentation de l’espace public. De même tout ce qui concerne l’accessibilité doit devenir une priorité… rendre la ville au piétons, favoriser les déplacements cyclables etc. Enfin, la diversification des usages et des fonctions doit également être recherchée.
Toutefois la plupart du temps se sont bien des interventions minimes, à faible coût, qui peuvent entraîner d’importantes améliorations. Du simple marquage au sol peut, par exemple, transformer des espaces communs en aires de jeux ponctuelles.
Nous devons garder à l’esprit que les enfants peuvent – lorsque les conditions sont mises en oeuvre – jouer de partout. Et nous devons nous rappeler que le trajet est au moins aussi important que la destination. Le potentiel ludique devrait finalement être intégré dans tous les « espaces de routines ». Le trottoir par exemple peut se muer en une véritable aire de jeux, lorsqu’il est conçu convenablement.
L’accessibilité est également un facteur déterminant, de nombreux espaces à potentiels de jeux comme les cours d’écoles ou les terrains de sports par exemple, sont finalement fermés en dehors de certaines heures. En ré-ouvrant ces espaces, nous pourrions considérablement accroître la quantité d’espaces ludiques publics. La ville est également pleine de petits endroits inutilisés, à valoriser en micro-espaces ludiques. Travailler sur la durabilité de ces lieux est une autre piste à explorer. Lorsqu’un espace public comporte des éléments complexes qui encouragent l’exploration, la découverte et la pratique, il attirera les enfants sur le long terme. L’effet de lassitude sera ainsi atténué. Afin d’atteindre cet objectif, suffisamment d’espaces doivent être dédiés au jeux non structurés. Quid également des espaces sur-sécurisés…
Pour conclure, une approche de la conception centrée sur l’utilisateur semble être le préalable indispensable: concevoir en fonction des besoins et des possibilités des futurs utilisateurs. Réfléchir à des activités inédites, qui rendront les plus petits complètement fous ! Faire attention au design pour leurs parents, travailler sur l’échelle humaine pour l’architecture, la conception des rues, et l’aménagement des espaces.
Des façades de bâtiments qui changent continuellement de couleur, de formes, de matériaux, de fonctions, et de détails. Des rez-de-chaussée actifs, aux fenêtres transparentes, du mobilier urbain en quantité, une transition douce entre les bâtiments et la rue. Et de nombreux espaces publics avec une variété de surfaces (pavé, gazon, sable, eau), des équipements de jeux. Voici tous les ingrédients d’un apprentissage sûr, divertissant et enrichissant…
« Ce billet est un résumé de cinq articles édités par Gerben Helleman sur le blog Urban Springtime. Cet article a été traduit et adapté pour UrbaNews.fr par Edouard Malsch – Photos et images : (c) Gerben Helleman. »
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